Spéc de comptoir

Une serviette, une disquetteCette année on fête les 30 ans de l’invention du CD. Au précédent anniversaire, je me souviens que la plupart des commentateurs avait comme de juste évoqué l’anecdote (légende ?) qui voudrait que Karajan lui-même ait insisté pour qu’on augmente la durée du support, de 60 minutes dans son premier prototype, à 74 minutes, pour que sa version de la neuvième de Beethoven, qu’il faisait jouer particulièrement lentement, puisse tenir en un seul CD [1].

Il aurait alors fallu agrandir légèrement l’objet, de 115 mm de diamètre aux 120 actuels. Mais comme au pays des légendes on ne peut jamais s’endormir tranquille après une bonne bière et une bonne histoire, une explication concurrente (probablement fantaisiste, n’ayons pas peur de le dire) voudrait que cette taille soit en fait celle des dessous de verre à bière standard des Pays-Bas.

Fantaisie ou pas, ça ne serait pas la première fois qu’un objet du quotidien sert de base arbitraire à une décision engageant ensuite tout un secteur.
Dans un genre proche des verres à bière, et probablement plus crédible, on raconte que les disquettes 5 pouces 1/4 (que certains, y compris moi, ont connu ; c’était il n’y a pas si longtemps encore, sales jeunes) devaient leur taille à un autre objet célèbre dans les bars et restaurants. Si si.

Voilà l’histoire : alors que les disquettes 8 pouces, le premier standard de l’histoire, commençaient à encombrer franchement les utilisateurs (20 centimètres de large, pas simple à ranger dans son sac à main, jvous raconte pas), les laboratoires Wang demandèrent à l’un des associés du créateur de ladite disquette de travailler à un modèle plus réduit.
Lui :  « quelle taille elle doit faire ? »
Eux :  (en montrant une serviette de table) « oh, genre ça ».
(Je sais, j’ai un grand talent de conteur).
Il n’en aurait pas fallu plus pour que les disquettes, pendant près de 20 ans, fassent 5 pouces 1/4 [2]. La taille d’une serviette de table.
On raconte également que le successeur, la disquette 3 pouces 1/2, fut conçue de façon à tenir dans une poche de chemisette américaine standard. Je n’ose pas imaginer ce qu’on pourrait trouver comme légende pour l’invention de la clef USB… Rhem.

Ainsi en va-t-il souvent des spécifications (voix caverneuse). Il n’est pas toujours question de nombre d’or ou de grands desseins galactiques mais, comme dans les meilleures traditions de création littéraire, c’est souvent au bistrot que ça commence.
C’est souvent là que ça finit aussi, mais c’est une autre histoire.

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  1. Cela dit, pour une bonne neuvième de Beethoven, je vous conseille plutôt Boulez. Et tant qu’à balancer, pour une bonne neuvième tout court, je vous conseille Mahler (par Boulez également). []
  2. Sur des spécifications nettement plus durables, on se régalera sans fin de cette histoire trouvée sur le site de Medusis). []

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Un commentaire sur “Spéc de comptoir”

  1. Gilles D. :

    J’adore les légendes!

    Et je trouve que les restaurateurs devrait faire plus attention au set de table qu’ils utilisent. Pas toujours facile de dessiner des croquis dessus…