Twitter expliqué à ma maman

Oops

Comme je ne suis pas mécontent du début de la série consacrée à Symfony et à ma chère mère, et qu’il ne se passe pas une semaine, que dis-je, un jour sans qu’ici et là, y compris au bureau, la question d’expliquer Twitter ne vienne sur le tapis, jme suis dit comme ça, en mon for intérieur où je me parle beaucoup (en me tutoyant, ce qui parfois me laisse perplexe), que j’avais bien matière à noircir quelques div de considérations puissantes et péremptoires sur le sujet.

Entendons-nous bien : en octobre 2009, il n’est plus question de prétendre faire découvrir Twitter, la fréquence d’évocation du site de gazouilling étant à peu près quotidienne sur tous les médias, y compris les plus grand public, nul doute qu’à ce jour à peu près tout le monde sait que Twitter existe, du moins toute personne qui a un rapport fréquent à notre ami l’internet. Mais bon, tout le monde sait aussi que e=mc2, ça ne veut pas dire que chacun sache expliquer vraiment ce que ça signifie pour autant (et je vous rassure, à part traduire les signes e, m, c, et le petit deux en l’air, je n’en sais pas des masses plus).

Après une comparaison aussi pertinente, négocions le virage pour revenir au milieu du chemin (encore trois métaphores de ce type et je suis le nouveau Heidegger).
On pourra aligner les « définitions » qui circulent ça et là ( « site de mini-messages », « service de micro-blogging »…), on n’aura éclairé personne qui ne sait déjà ce que c’est. Et c’est un premier indice de la spécificité de ce qu’on appellera la chose Twitter : il est d’une part impossible de la définir entre trois mots, et pire, il est d’autre part quasi-impossible d’expliquer « à quoi ça sert » à quelqu’un qui ne connait pas, qui n’a pas fait son expérience de Twitter.

C’est là le drame. Et en même temps le sublime (mais oui, rien que ça — si vous pratiquez un peu ce blog, vous aurez pu remarquer que je n’ai pas peur d’élever le débat comme on élève son verre, ou pas loin). Allez, lâchons les chiens de la formule qui tue :

Expliquer Twitter à quelqu’un qui ne l’a jamais utilisé, c’est comme expliquer les couleurs à un aveugle.

On pourrait, on devrait, même aller plus loin : non seulement il faut l’avoir déjà utilisé, mais il faut être rentré dedans, comme on rentre dans un livre un peu rebutant. Ça prend du temps, et la probabilité qu’on abandonne dans les premières heures ou les premiers jours est très élevée.
Dans le cas de Twitter, le « verdict » est au choix : « Twitter, c’est nul, c’est juste MSN en moins bien »,  « Twitter, c’est chiant, c’est pas ça qui va me faire quitter Facebook », ou autre « Dans Twitter c’est vraiment débile cette limitation à 140 caractères ».

Twitter, ça ne sert à rien

Tiens, parlons-en, des 140 caractères. L’explication historique, pour ceux qui auraient dormi ces trois dernières années, est que l’une des premières contraintes auto-imposée par les créateurs de Twitter était d’envoyer et de recevoir les messages, les tweets, aussi par SMS. D’ailleurs ça a marché partiellement au départ en france, en 2007 et jusque début 2008 et votre serviteur s’était pas mal amusé à bricoler quelques bots psychopathes qui pouvaient lui envoyer des SMS intéressants, notamment sur l’état du trafic RATP. Mais c’est un autre sujet.
Ces considérations autobiographiques de haute volée mises à part, je vois mal qui aurait en 2006 parié trois carambars sur l’avenir d’un service Internet contraignant ses utilisateurs à « s’exprimer » avec une limitation de caractères, qui plus est assez vite atteinte. A l’heure où le bit se négocie au milliard de kilos comme un vulgaire poste à l’EPAD, quelle hérésie… Eh bien non seulement ça a marché, mais ça a permis de montrer, s’il en était besoin, qu’abondance de caractères nuit parfois, et qu’au fond, si on a quelque chose à dire, on peut toujours le dire plus simplement. Ou sinon, c’est qu’on se trompe de medium.

Cette contrainte génétique est une chose ; elle n’explique pas pour autant en quoi définir Twitter est un exercice particulier, ni en quoi comprendre et surtout expérimenter l’intérêt de Twitter prend du temps.
La raison principale est simple : Twitter, en tant que tel, ça ne fait rien. Même si on peut accéder en pur spectateur à une partie des « messages » mondiaux, le cœur de Twitter n’est pas un site mais un service (au sens informatique), dont le rôle se borne, pour résumer, à permettre aux gens de s’inscrire, de poster des messages ou tweets, de « suivre » d’autres utilisateurs et d’être suivis (l’un ne nécessitant pas l’autre), le principe étant de regrouper et de visualiser en un seul « fil de message » tous les tweets des utilisateurs qu’on suit.
Comme ça, je vous l’accorde, ça a l’air et trivial et pas très intéressant.
C’est parce que tout reste à faire : une fois inscrit, il faut suivre des utilisateurs (un certain nombre d’entre eux vous suivra en retour, surtout si vous commencez à poster des messages). Lesquels ? Ben justement, tout est là : ça dépend de ce que vous recherchez. La difficulté étant que d’une part rien n’oblige à savoir exactement ce qu’on cherche (bah oué, c’est la vie, quoi), et que d’autre part, on peut chercher plusieurs sortes de choses.

Twitter, ça sert à tout

Voilà l’essence de la chose Twitter, qui traduit la difficulté qu’on aura toujours à l’expliquer : Twitter, ça sert à ce qu’on en fait. Encore faut-il donc s’y mettre activement, définir et inventer ses usages — qui peuvent être mêlés, et changer au fil du temps, ce qui concourt à la complexité de compréhension de la bête. Utiliser passivement Twitter, c’est vraiment s’embêter avec un remplaçant de lecteur de flux RSS peu performant .

Twitter, ça peut servir, dans l’ordre et le désordre, de manière absolument pas exclusive et parfois complémentaire, à :

  • faire de la veille, en suivant des gens qui postent beaucoup de liens, et/ou des flux RSS repostés
  • discuter de manière plus ou moins impromptue et décousue avec des gens qu’on connait
  • discuter de manière plus ou moins impromptue avec des gens qu’on ne connait pas, voire les rencontrer ensuite dans la vraie vie
  • raconter sa vie, qu’il s’agisse de détails insignifiants ou d’épisodes cruciaux
  • promouvoir des choses qu’on aime, des sites intéressants, des services et pourquoi pas des choses qu’on vend
  • taper sur des choses qu’on n’aime pas, râler sur la RATP ou la SNCF
  • faire des recherches sur ce qui se dit sur tous les sujets imaginables
  • suivre en direct des émissions de télé palpitantes (ou du moins les commentaires avisés qu’en font les partisans ou les détracteurs)
  • participer à des sortes de cadavres exquis ou le multilinguisme le dispute à la variété des sujets
  • jouer au kamoulox
  • savoir quel temps il fait à Dunkerque ou New-York…

Et ce qui est vraiment très bien, et intellectuellement excitant, c’est que ça peut être tout ça, un peu de ça, d’autre chose, dépendre des jours, dépendre du vent, de votre humeur et de ce qui se passe dans le monde. Bien sûr, cet aspect polymorphe demande une certaine disponibilité, en termes de temps et de présence d’esprit au sens strict.
Il y a peu d’intérêt à venir sur Twitter (quelle que soit la façon dont on consulte son flux) une fois par mois, tout se passe vite, parfois dans l’immédiateté et la fugacité, ce qui n’équivaut pas nécessairement à de l’inutilité.
Mais on peut aussi laisser filer un, deux, dix jours, et revenir comme un fleur sans que ça soit rédhibitoire ; ça n’est ni un blog, ni un forum, ni irc, ni msn, ni facebook, ni la pierre philosophale, et pourtant éventuellement un peu de tout ça en même temps.

En résumé, Twitter, comme Internet à sa façon, ne peut être défini et surtout expliqué en une phrase, parce qu’il y a autant d’usages de Twitter que d’utilisateurs.

Le nerf de la guerre, c’est le choix des gens qu’on va suivre ; une bonne méthode, c’est d’y aller à la pelle au départ, de regarder qui suit qui, qui « répond » à qui (avec le signe magique @), et de désuivre rapidement, surtout dans les premières semaines. Comme pas mal de choses, la suite se fait… en se faisant, et le résultat ne sera pas forcément celui qu’on avait prévu.
En tout cas, pour peu qu’on fasse quelques efforts (mais c’est peut-être là une exigence trop forte), l’inhabituel et la surprise sont vite au rendez-vous ; le banal et le quotidien aussi, mais il ne faudrait pas non plus demander à la réalité d’être immédiatement plus géniale que les gens qui la font. Et rien n’oblige personne à utiliser Twitter, encore moins à suivre des utilisateurs prétentieux ou analphabètes (et je vous le donne en mille : ça fourmille).

Une autre fois, on détaillera peut-être les us et coutumes qui régissent plus ou moins la twittosphère, comme on dit.

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Si le sujet vous intéresse, il continue ici : Twitter est-il pour tout le monde ?
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17 commentaires sur “Twitter expliqué à ma maman”

  1. Pandi :

    Brillant.
    (je me demande seulement… « quelque soit la façon » ou « quelle que soit la façon » ? #chieusefinie)

  2. LaurentLC :

    t’es viré, le panda

  3. Thalie :

    Merci, maintenant, je saurai quoi répondre quand on me dit « c’est naze ça fait rien » – je savais déjà, mais c’était beaucoup moins bien formulé et il pouvait y avoir quelques insultes condescendantes dedans.
    En revanche, je ne sais toujours pas quoi répondre quand on me demande comment gérer la schizophrénie pardon le multi-profil sur Twitter, j’ai rien encore trouvé de satisfaisant.

  4. LaurentLC :

    Oui, la question mérite réflexion. Personnellement je n’ai qu’un compte Twitter (hormis les comptes ouverts pour différents besoins techniques de robots à droite et à gauche) ; mais je pense que le sujet du multi-profil ou de la « schizophrénie » n’est pas propre à Twitter, car on retrouve cette problématique dans toutes les plateformes dites de réseaux sociaux, non ? Le schizophrènes sur Twitter ne le sont-il pas aussi déjà sur Facebook, myspace, leurs blogs..?

  5. Thalie :

    Tout à fait.
    Mais Twitter a cette fonction / faculté d’instantanéité qu’il n’y a pas forcément ailleurs – peut être parce que je n’ai pas la même utilisation de Facebook (j’ai plusieurs profils Facebook ceci dit).
    Exemple précis: je veux tweeter un lien vers le blog A (vraiment pas sérieux) puis le blog B (pas très sérieux non plus mais pas le même genre ni le même public) puis un lien dans un registre plus « veille » (donc professionnel), c’est un peu fastidieux – j’ai essayé avec Tweetdeck, je ne suis pas convaincue.
    On pourra me dire, cesse d’être schizophrène, mais ça serait éluder la question.

  6. LaurentLC :

    Cesse donc d’être schizophrène.

  7. Pandi :

    D’acc, mais quid de mes indemnités pandesques ?

  8. darzile :

    en 8636 caractères, soit 61.8 tweets, j’y vois plus clair. Mais twitter, c’est comme la piscine quand il pleut et qu’il fait froid dehors, ca donne pas tellement envie d’y aller, et puis une fois qu’on y est…

  9. Business Commando :

    Merci :) voilà que je vais pouvoir faire suivre a ma mere pourquoi je décroche pas du iphone a table :))

  10. Alice :

    Ah, la liste des choses qu’on peut faire me plaît beaucoup! On remarque bien qu’à part la fonction veille, tout le reste est très farfelu. C’est ce que j’aime dans twitter, avant tout: le farfelu.
    Je ne comprends pas qu’on puisse le comparer à FB. Ça n’a rien à voir. Je ne dirais même pas que c’est complémentaire: c’est différent.

    Et vivent les 140 caractères, c’est pour ça que c’est drôle!

  11. Alice :

    Autre chose d’intéressant: la fonction « Favoris ». Je me sers des favoris comme d’un delicious, on peut noter en favoris des twitts de gens qu’on ne suit pas.

  12. Loic :

    J’ai tenté d’aborder twitter dans un but de veille techno. Je suis plein de blogs via un reader et ces blogs n’avaient de cesse de parler de twitter, je me suis donc dit naïvement que les suivre via twitter pouvait être une source encore plus utile pour la veille.

    Après être tombé sur une liste des twitters à suivre autour d’une techno qui m’intéressait, je me suis dit que je mettrais bien twitter en flux RSS dans mon reader, histoire de consulter les twitt comme n’importe quel flux RSS.

    Et là j’ai déchanté. Grave.

    Je me suis retrouvé avec des twit s’empilant sur des twit s’empilant sur des twit et des flux RSS de plusieurs centaines de messages pour chaque twitter suivi.
    Ha oui, ça va vite et l’objectif n’est pas d’empiler mais de consulter au fil de l’eau. Oui mais mon patron me paye pas à faire de la veille techno au cours de la journée donc je suis obligé d’empiler le jour et dépiler la nuit.
    Je me suis également rendu compte que dépiler des twitt c’était fastidieux. Outre le fait de retrouver du 3615 mylife mélangé à du contenu technique (qui m’intéressait), le contenu technique en question se limitait généralement à une tinyurl. Après être tombé plusieurs fois de suite sur le même article d’arrivée (article que j’avais également dans mes flux RSS classiques), je me suis rendu compte que Twitter n’était pas adapté pour de la veille techno.

    Déjà parce que la grande majorité des twitt qui vont m’arriver dans le bec me seront également livrés par mes flux RSS classiques.
    Ensuite parce que la veille techno c’est pas du chatting, ça se fait pas en temps réel. Réagir à un article technique oui, ça peut se faire en temps réel, mais pas faire du suivi.
    Enfin parce que twitter n’empêche pas, voire favorise, le recouvrement de l’information : un article intéressant est posté sur un blog connu => plusieurs dizaines de personnes du milieu balancent un twit contenant une tinyurl sur l’article en question. Moi de mon côté je reçois 10 twit pointant sur le même article.

    Bref, je pense qu’il est préférable de voire twitter comme un chat à effet de zone ou tout le monde est créateur de contenu, d’avis, plutôt que comme un moyen de relayer une information qu’on juge importante.

  13. Joris :

    Je ne suis pas convaincu par cet article… En plus d’être difficile à lire (phrases laborieuses et complexes), il manque certains points comme la confidentialité ou encore l’accessibilité (~API).

    Je pense que l’article aurait été d’autant plus attirant si il avait été découpé en points cadrés et en utilisant des phrases simples et courtes.

    Bel effort, cependant.

  14. LaurentLC :

    @Joris : qu’il manque pas mal de points, je ne dirai pas le contraire, encore que je ne suis pas sûr de voir dans le cadre d’une telle « introduction » pour ma mère la pertinence d’une évocation de sujets très techniques comme l’API.

    Mais en ce qui concerne le style, le procès tombe en revanche un peu à côté de la plaque. Il est comme dirait l’autre fait exprès, ce style. Pour lire des phrases simples et claires, avec sujet-verbe-complément, bulletpoints à la conseiller en communication, il faudra aller sur un autre blog, j’en ai peur. Ici, je m’amuse avec ce style dont je tourne l’ampoule en dérision (même si, au fond, je ne fais pas de mystère sur le fait que je ne peux pas trop écrire autrement – mais au moins je m’en moque en peu).
    Que ça rende les choses difficiles à lire, je ne le nierai pas, mais c’est parce que l’autre vrai sujet de ce blog c’est de s’amuser (un peu) avec le langage.
    Je comprends fort bien qu’on ne trouve ça ni drôle ni intéressant, il n’y a pas de soucis.

  15. Joris :

    Merci Laurent pour ta réponse, j’apprécie tout autant tes explications quant à mes interrogations et je conçois très bien le divertissement par le langage car moi-même il m’arrive d’en user.
    Peut-être une question d’habitude après…

    Bonne continuation en tout cas :)

  16. Twitter ça s’explique pas, ça s’apprend ! « Jobdigger :

    […] minutes après j’avais la réponse en message privé (merci Kamel). Ce brillant article de laurentLC (twitter.com/laurentLC) explique parfaitement à quoi sert (ou ne sert pas) Twitter et […]

  17. sowoman :

    je suis la maman d’ubermuda et j’ai rien compris…..

    jojo pourra ptet m’expliquer…..

    je vais relire vos explications quand même……

    merci