Les 10 termes à connaître pour être un bon chef de projet

Vous êtes un winnerQue vous soyez de l’engeance annonceur ou prestataire, il est vital de posséder un vocabulaire minimal pour pouvoir briller en réunion, spécialement en avant-vente, mais aussi en comité de pilotage, voire au restaurant si vous avez de la chance.

Là où je sévis actuellement, un document interne secret à visée caustique recense ces termes et d’autres ; la liste qui suit s’en inspire librement, avec d’autant moins de scrupules que je suis à l’origine des deux tiers d’entre eux.

Levier : solution en général fictive mais rhétoriquement commode pour faire croire ou se persuader qu’on a des moyens d’action. Nous avons identifié les leviers à notre disposition pour raccourcir les délais.

Paralléliser : recours ultime lors d’une négociation de planning, dont le but – fantasque – est de diviser linéairement les temps de production par le nombre de ressources affectées. Voir le post consacré au sujet.

Pragmatique (ou sa variante réaliste) : attitude consistant à sacrifier la qualité tout en se défendant de le faire.

Proactivité : technique de management pragmatique consistant à demander au collaborateur de résoudre les problèmes à venir sans les connaître à l’avance.

Bravo, vous avez levé une alerte orthogonaleProposition (force de) : Nous attendons que vous soyez force de proposition. Façon aimable qu’a le client de demander au prestataire de faire son travail à sa place.

Temporiser : pour le client, indique qu’il n’a pas encore pris le temps de trancher les choses dont vous avez absolument besoin pour avancer sur un livrable qu’il exige pour demain. Pour le prestataire, signifie que les développements qui devaient commencer hier avec trois ressources commenceront la semaine prochaine avec une demie. Doit toujours cependant être utilisé dans une phrase qui laisse penser que tout cela est parfaitement volontaire. Nous avons décidé de temporiser.

Tiroir : dans la vraie vie, élément coulissant d’un meuble ; dans une proposition commerciale, élément coulissant du devis exigé par le client pour se donner les moyen de faire baisser le montant total. Pouvez-vous me faire une proposition à tiroirs ? Attention : dans la pratique, le client choisit toujours de conserver des tiroirs qui ne peuvent être réalisés sans ceux qu’il a retirés.

Transverse : notion à utiliser en biais ; bien commode pour camoufler son ignorance du contenu exact d’une intervention. Nous avons mobilisé des compétences transverses.

Valeur ajoutée : concept à utiliser sans parcimonie dans tout discours de vérité (voir ci-dessous). Cette fonctionnalité n’a pas de valeur ajoutée.

Vérité (discours de) : stratagème circonlocutif, destiné à obscurcir le sens de ce qui est dit sous couvert de transparence (on dit également : « enfumer »). Fonctionne également comme prétérition, pour tenter de rester poli : je vais te tenir un discours de vérité, ton code c’est vraiment de la merde.

Bien entendu, toute ressemblance avec des phrases ayant été prononcées dans la vraie vie serait étonnamment fortuite, etc, pardon aux familles tout ça.

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Superbes illustrations trouvées fortuitement chez Getty Images.

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19 commentaires sur “Les 10 termes à connaître pour être un bon chef de projet”

  1. Alex' :

    Vivement le manuel des chefs de projet :)

  2. greg :

    C’est vrai que les photo sont assez sucrées, bel effort !

  3. Clément :

    Il y a aussi:

    RAF : Reste à Faire, sous entendu, Reste à Faire en fin de journée sur la tâche en cours.
    Permet de surveiller l’avancement du projet et son éventuelle dérive. En cas de dérive, le manager fort des qualités d’orateur qui l’ont propulsé à son poste, récitera un discours rodé sur l’implication, notion proche de la pro-activité.

    Implication : terme utilisé pour faire comprendre à l’exécutant de la tâche qu’il doit trouver une solution pour rentrer dans le moule de l’homme standard qui a servit d’étalon au célèbre jour-homme.

    Bravo pour éclaircissement sur la parallélisation!

  4. NiKo :

    Ça aurait pu être sympa de préciser qu’on avait écrit ça à plusieurs mains ;)

    Tu devrais ouvrir un wiki public sur le sujet, tiens, pour la peine.

  5. LaurentLC :

    raaah, j’ai signalé, que j’avais pas tout écrit (mais cela dit, sur la sélection de 10 ici présente, je crois que tout est de moi ^^)

  6. NiKo :

    Négatif, j’assume parfaitement la paternité de ma Proactivité ;)

  7. LaurentLC :

    exact, au temps pour moi

  8. Henry Michel :

    Excellent, une vraie valeur ajoutée à ma journée.

  9. Maxime :

    Génial ;-) Merci !

  10. Yoan :

    Excellent :)
    ça me rappelle un article du même style que j’avais lu.
    Propale, asap … :-)

  11. MaPetitePatate :

    Ouh que tout ecla est bien vu :) Ma préférence va à la proactivité je crois.

  12. Candide :

    Messieurs, permettez à un vieil humaniste retiré de vous remercier pour ce cours de langues vivantes. Il m’a été d’autant plus précieux qu’il ‘ma permis de voir que je ne connaissais pas 2 termes sur 10 de cet idiome à tics, qui a l’air assez répandu, quoiqui’il ait besoin d’un glossaire entre ses usagers eux-mêmes, ce qui est une nouveauté. Et moi qui m’imaginais, par un coupable passéisme datant de Diderot et al., parler à peu près une langue d’universel partage!
    je suis donc d’autant plus heureux de ne plus faire partie d’aucune organisation à cadres, clients, prospects ou prestataires. Je me confirme l’idée que la seule alternative viable à la mise à jour continuelle, c’est le retrait volontaire (délibéré autant que joyeux) au désert.
    Vous me semblez m’avoir donné d’avance le résultat des expériences qui ne font que commencer au Cern, sur l’accélération des particules en circuit fermé. On les donne pour un futur triomphe de la science. Je me permets de prévoir qu’il vaut mieux rester électron libre. Tourner de plus en plus vite sur un anneau accéléré ne peut que mal finir.

  13. LaurentLC :

    Si je suis le premier à fustiger le jargon inutile qui ne sert qu’à se payer de mots ou à (se) faire croire qu’on pense, on ne peut non plus refuser à tout domaine un tant soit peu spécialisé le besoin – réel – d’un vocabulaire spécifique, parfois éloigné de la langue de tous les jours, sans qu’il s’agisse nécessairement d’afféterie ou d’ultimes outrages à coléoptère (même si, dans les exemples tournées en dérision ici, il ne s’agit pas de cela).

    Comprendre par ailleurs le projet encyclopédiste comme le rescencement d’un langage « universel » univoque ne me parait pas complètement correct, et en tous cas, refuser que niveaux de langue et polysémie soient constitutifs de la réalité me semble, sinon passéiste, assez fantasmatique. Si la langue est bien un outil de partage universel, c’est parce qu’elle donne le moyens de travailler à réduire les incompréhension en apprenant les usages sémantiques des autres, non pas parce qu’elle devrait imposer une « normativité » de définitions uniques, non..?

  14. Ema :

    « Dans notre approche à tiroir, pour être proactif et force de proposition, nous envisageons différents leviers dont la parallélisation des tâches et une mobilisation des compétences transverses, mais pour être pragmatique et tenir un discours de vérité nous devrions temporiser pour atteindre nos objectifs en terme de valeur ajoutée. »

  15. Candide :

    Vous devriez bien penser que je n’adhère pas absolument à mes propos (mon pseudo serait autre, et je ne serais même pas intervenu. Cette adhérence incomplète jouant sur l’adhésion mitigée s’appelait jadis l’ironie. On n’ pas trouvé depuis de terme technique plus exact. Je suis le premier à demander qu’on emploie un mot approprié, dût-il être technique, et je ne jette jamais la pierre aux philosophes qui ont besoin de « monade » ou d' »épochè ». Je me gausse plus facilement de ceux qui scrutent « la faille du désir dans la béance de l’être »(par exemple). Voilà des années que je collectionne les glossaires de jargons en connaisseur, voire que j’en alimente ou compile moi-même. Bref, je suis un vieux vicieux de l’altérité.
    la langue étant plus vieille que moi, j’ai encore de beaux jours de plaisir. Je le situerai toujours entre le ridicule des langues de bois, de plastique ou de plomb, d’un côté, et celui séculaire des précieuses de Molière. Fauteuil est exact, technique, expert; « commodité de la conversation » aussi enflé aujourd’hui que jadis. telle est ma norme. Elle ne me paraît que modérément fantasmée.

  16. LaurentLC :

    L’ironie n’étant pas évidente à déceler par écrit (où il manque tous les indices métalinguistiques bien commodes…), chez des inconnus qui plus est, j’ai en effet péché par excès de premier degré. J’aimerais bien dire qu’on ne m’y reprendra pas, mais on n’est jamais trop prudent.
    En tous cas il semble que nous sommes sur la même longueur d’onde concernant le vocabulaire et les jargons.

  17. Alice :

    Au fait, j’ai découvert que la partie recette de la MOA est répertoriée sous le nom officiel de « chasseur de bogues » dans le dictionnaire des métiers de l’Onisep :
    http://www.onisep.fr/onisep-portail/portal/media-type/html/group/gp

  18. Mattew :

    Bonjour,

    Excellente liste, j’aime beaucoup la dernière remarque au sujet des tiroirs.

    Permettez moi de rajouter :

    Implémenter : permet de proclamer qu’une fonctionnalité est en cours de développement, ou presque, peut-être finie, ou presque, pas encore tout à fait commencée, ou presque… En somme un terme totalement évasif qui permet de se défiler gentiment d’une fonctionnalité (majeure ou mineure, c’est l’avantage) constatée comme absente.

    « Et lorsque je clique là il ne se passe rien ? – Cette fonctionnalité n’est pas encore implémentée. »

    Véhicule avantageusement une notion de « non fait mais plus à faire » : le client pourra comprendre « implenté » et en déduire que c’est terminé mais pas visible sur la version actuelle, par exemple.

    Bien à vous,

  19. MisterA :

    Enorme, et tellement vrai.

    J’ai bien aimé aussi votre duel dans les commentaires :-p